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la nature. Ne voilà-t-il pas, déjà, qui est étrange ? Pourquoi un être naturel, sans doute, qui fait partie de la nature, aurait-il pour devoir, pour règle de vie, de vivre contrairement à la nature et, à supposer qu’il le puisse, en dehors d’elle ? « L’homme contre le monde », contre le monde entier, l’homme « principe négateur du monde », est-ce que cela n’est pas tellement singulier qu’il en est risible ? Que tout ait sa loi, ce qui est possible, ce qui, en tout cas, est le principe de nos adversaires ; et que nous en ayons une aussi, mais contraire à la loi universelle, mais qui nie, qui heurte du front et qui méprise la loi universelle ; un ciron contre le monde, un quasi-rien contre tout ; c’est comme un paradoxe d’aliéné ; « le monstrueux mauvais goût de cette attitude apparaît à notre conscience et ne nous inspire que du dégoût. »

Il semble bien que si la morale n’est pas dans la nature et est contre nature, c’est tout simplement qu’elle est fausse. Un physicien à qui l’on dirait : « Ce corps est très particulier ; il n’obéit pas à l’attraction ; il est le seul dans la nature qui n’obéisse pas à l’attraction et qui lui résiste très fermement. Comment expliquez-vous cela ? » ; ce physicien répondrait parle mot d’Arago : « Il y a une explication : c’est que cela n’est pas vrai, Vous