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la volonté de vérité repose sur un impératif qui ne donne pas ses raisons et qui entend bien ne pas les donner, sur une foi encore. Donc, que votre volonté de vérité vienne d’un désir de n’être pas trompé ou d’un désir de ne pas tromper, elle repose ou sur une conviction philosophique a priori, ou sur une conviction morale a priori. Le désir de posséder le démontré repose sur une idée ou sur un sentiment indémontré et indémontrable. Donc « c’est toujours encore sur une croyance métaphysique que repose notre foi en la Science ».

— Et d’où vient cette croyance métaphysique ? — Mais, très probablement, des anciennes théologies, qui nous ont pénétrés et imbibés depuis des milliers d’années. Tout cela est encore un résidu de Dieu : « Nous, nous-mêmes, nous qui cherchons aujourd’hui la connaissance, nous les antimétaphysiciens et les impies, nous empruntons encore notre feu à l’incendie qu’une foi vieille de mille années a allumé, cette foi chrétienne qui fut aussi la foi de Platon, et qui posait en principe que Dieu est vérité et que la vérité est divine. »

Ce qu’il y a de curieux, pour y songer un instant, c’est que cette science, qui a affranchi l’homme et qui doit l’affranchir de plus en plus, — vous connaissez ce lieu commun, — a besoin d’un