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Vous me direz : ce n’est pas une foi, c’est simplement le désir, naturel et légitime sans doute, de n’être pas trompé, — Soit ; mais ce désir de n’être pas trompé suppose une idée qui est celle-ci : il vaut mieux n’être pas trompé qu’être trompé. Dans l’ordre des idées générales, qu’en savez-vous ? Il est parfaitement indémontré qu’il vaille mieux n’être point trompé qu’être trompé sur l’Univers. Votre amour de vérité, votre volonté de vérité est donc gratuit ; il est parce qu’il est ; il est parce que vous êtes faits comme cela. C’est une conviction a priori, c’est une foi.

Vous me direz : Non, ce n’est pas cela. Ce n’est pas que je ne veuille pas être trompé ; c’est plutôt que je ne veux pas tromper. — Ah ! ceci est autre chose. Nous étions en métaphysique, nous voici en morale. Je croyais avoir affaire à une foi métaphysique ; j’ai affaire à une foi morale. Mais c’est la même chose, ou chose très, analogue. C’est encore un impératif ; c’est encore une idée fixe non démontrée et indémontrable. Vous voulez la vérité, parce que vous ne voulez pas tromper, parce que vous êtes un honnête homme. Bien ; mais qui vous a dit qu’il ne faut pas tromper ; qui vous a persuadé cette petite « don quichotterie », cette « petite déraison enthousiaste » ? Votre conscience, votre sainte conscience ! Soit, mais vous voyez bien que