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CORNEILLE.

Qu’un homme de mon âge a cru légèrement
Ce qu’un homme du tien débite impudemment ?
Tu me fais donc servir de fable et de risée,
Passer pour esprit faible et pour cervelle usée !
Mais, dis-moi, te portais-je à la gorge un poignard ?
Voyais-tu violence ou courroux de ma part ?
Si quelque aversion t’éloignait de Clarice[1],
Quel besoin avais-tu d’un si lâche artifice ?
Et pouvais-tu douter que mon consentement
Ne dût tout accorder à ton contentement,
Puisque mon indulgence, au dernier point venue,
Consentait à tes yeux l’hymen d’une inconnue ?
Ce grand excès d’amour que je t’ai témoigné
N’a point touché ton cœur, ou ne l’a point gagné :
Ingrat, tu m’as payé d’une impudente feinte,
Et tu n’as eu pour moi respect, amour ni crainte.
Va, je te désavoue.

DORANTE.
Eh ! mon père, écoutez.
GÉRONTE.

Quoi ? des contes en l’air et sur l’heure inventés ?

  1. Clarice est la femme que Géronte veut faire épouser à son fils.