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Berg (der, mont, montagne) ; ce mot ne désigna pas d’abord, par lui-même, une élévation du sol, une hauteur. Il paraît se rattacher à bergen (= schützen, protéger, défendre, et spécialement cacher, recéler, mettre en sûreté, sauver, cfr. mons et munire), et il indiquerait que les montagnes servirent de refuge aux hommes et que c’est dans les lieux élevés qu’ils cherchaient un abri, un refuge, au moment du danger. Ainsi, Berg, abréviation pour Berghöhe (hauteur, refuge ; cfr., auberge, Herberge, voy. P., p. 26), désignerait la montagne considérée, non au point de vue de l’élévation (nicht als etwas Hohes), mais comme un objet qui protège (sondern als etwas Bergendes)[1].

  1. Les hommes qui viennent occuper une contrée cherchent d’abord à se garantir contre les attaques des animaux et des envahisseurs. Les montagnes étaient de leur nature plus difficilement accessibles que les vallées et les plaines : on pouvait à peu de frais y construire des retranchements, des lieux de refuge ; une montagne devenait ainsi un poste sûr que les hommes et les fauves ne pouvaient atteindre sans danger. Voilà pourquoi les idées de « montagne » et de « forteresse » ou de « château » ont été souvent unies dans l’esprit des peuples anciens : la montagne était la « Receleuse, » la « Protectrice » (hinter Bergen ist man geborgen vor Feind und Wind) ; — quant au vent, il est sans doute permis de faire des réserves, dans certains cas du moins ; dans d’autres, la montagne peut servir de paravent, et former comme un abri sur son versant.

    D’un autre côté, on pourrait peut-être supposer, avec quelque raison, que l’idée qui s’offrit la première, à la vue d’une chaîne de montagnes, fut celle de la brisure du terrain. Les mots celtiques breg (= Bruch, fracture, cassure, rupture, fente), et brig (montagne) seraient la forme primitive du mot Berg qui se rattacherait, d’ailleurs, à l’all. brechen ( briser, casser, rompre ; Brechung, rupture, brisement). Cfr. franç. brèche ; all. BrescheMauerbruch, Wallbruch rupture du mur, du rempart ; lat. frango, je brise, je casse, je fracasse ; fregi, fractum ; fr. broyer, brayer ; Brack, débris. Mentionnons enfin les anciennes formes de Berg : v. h. all. përac, m. h. all. bërc.