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On voit ainsi que rien n’autorise à donner à ing ou ingen le sens de Bewohner (habitants).

Ces savants n’ont pas compris que, en dehors du sens patronymique, le radical ing a un sens topographique qui lui est propre. En angl.-sax. ing, inge signifie pré, pâturage, enclos ; en goth. winga et en v. h. all., c’est-à-dire en ancien germanique ou celtique, ing, inge ont le sens de champ, portion de terre (d’où territoire : Lotharingen = les terres, le domaine de Lothaire). Cfr. v. h. all. angar = Anger (jad. bande de terre cultivée), pelouse, lisière ; champ, pâturage. En Belgique, ing, enge indiquent une prairie communale ; cfr. aussi l’irlandais inch (île, prairie située au bord d’une rivière) et l’armoricain ennk [irland. ing], langue de terre. N’oublions pas le bas latin inhoc que Ducange explique par : Terra arabilis, portio sepibus aut quovis alio modo clausa, septum, sepimentum.

Il nous semble que tous ces noms se rattachent au radical celtique engi ( engendrer, produire, qui a donné les mots ing, ingo, fils (= l’engendré, le produit) et père (= le producteur, celui qui produit, qui engendre ; voy. P., p. 126, 127). On voit ainsi comment le mot ing, qui offrait l’idée le « production, » a pu avoir le sens de « productif » et désigner « un champ cultivé » (c.-à-d. un producteur, un terrain qui produit, un champ nourricier ; champ, prairie). On peut voir la même analogie établie par les Celtes relativement au mot Ach (voy. App. R).

Concluons donc que, dans les noms de lieux, ing n’est que rarement un indice de filiation. Dans les noms géographiques dont le premier composant indique un fleuve ou un accident du sol, ing signifie « terrain. » C’est donc à tort que l’on traduirait Lotharingen, Lothringen (la gauloise et française Lorraine) par « la demeure des enfants, des descendants, des sujets de Lothaire, la demeure de ceux qui appartenaient (die Angehörigen) à Lothaire (P., p. 137). On se tromperait aussi en inter-