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L’ARAIGNÉE-CRABE

son ventre, sans exagérer néanmoins l’obésité, de quoi loger chaudement sa famille.

Le terme d’onustus ferait-il simplement allusion à la démarche oblique et lente ? L’explication m’agrée sans me satisfaire en plein. À moins de vive alerte, toute Araignée est d’allure grave et de pas circonspect. En somme, la dénomination savante est faite d’un contresens et d’un qualificatif sans valeur. Ah ! qu’il est difficile de dénommer rationnellement les bêtes ! Soyons indulgents pour le nomenclateur : le lexique s’épuise, et le flot à cataloguer monte toujours, intarissable, lassant nos combinaisons de syllabes.

Le nom technique ne lui disant rien, comment renseigner le lecteur ? Je ne vois qu’un moyen : c’est de le convier aux fêtes du mois de mai, dans les garrigues du Midi. Le bourreau des Abeilles est un frileux ; en nos pays, il ne s’écarte guère de la région de l’olivier. Son arbuste de prédilection est un Ciste (Cistus albidus) à grandes fleurs roses, chiffonnées, éphémères, qui durent une matinée et sont remplacées le lendemain par d’autres, écloses dans la fraîcheur de l’aube. Cette splendide floraison dure cinq à six semaines.

Là butinent passionnément les Abeilles, très affairées dans l’ample collerette des étamines, qui les enfarinent de jaune. Leur persécuteur est au courant de cette affluence. Il se poste sous la tente rose d’un pétale, pour lui hutte d’affût. Promenons le regard sur la fleur, un peu de partout. Si nous voyons une Abeille inerte, étirant pattes et langue, approchons-nous : le Thomise est là neuf fois sur dix. Le bandit vient de faire son coup ; il suce la trépassée.

Après tout, l’égorgeur d’Abeilles est une jolie, très