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LE SCORPION LANGUEDOCIEN

courir un frémissement le long de l’échine. Survient un second mâle plus fort que le premier. La commère lui convient ; il veut l’avoir. Va-t-il abuser de sa vigueur, se jeter sur le mesquin, le battre, le poignarder peut-être ? En aucune manière. Chez les Scorpions, ces délicates affaires ne se décident point par les armes.

Le puissant gaillard laisse le nain tranquille. Il va droit à la convoitée et la saisit par la queue. Alors, à qui mieux mieux, l’un tiraille de l’avant, l’autre tiraille de l’arrière. Suit une brève contestation qui laisse chacun maître d’une pince. En frénétique véhémence, celui-ci travaille à droite, celui-là travaille à gauche, comme s’ils voulaient démembrer la commère. Enfin le plus petit se reconnaît vaincu ; il lâche prise et s’enfuit. Le gros s’empare de la pince abandonnée, et sans autre incident l’équipage chemine.

Ainsi tous les soirs, pendant quatre mois, de la fin d’avril au commencement de septembre, se répètent, inlassables, les préludes de la pariade. Les torridités caniculaires ne calment pas ces effrénés ; au contraire, elles leur infusent nouvelle ardeur. Au printemps, je surprenais un par un, à de longs intervalles, les équipages de pèlerins ; en juillet, c’est par trois, c’est par quatre à la fois que je les observe dans la même soirée. J’en profite, sans grand succès, pour m’informer de ce qui se passe sous les tuiles où se réfugient les couples de promeneurs ; mon désir est de voir, du commencement à la fin, les détails du tendre tête-à-tête. La méthode du tesson retourné ne vaut rien, même dans le calme de la nuit. Bien des fois et vainement je l’ai essayée. Privés de leur toiture, les deux conjoints se remettent en pèlerinage et gagnent un autre abri, où