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SOUVENIRS ENTOMOLOGIQUES

tunes. Sans plus insister, le refusé abandonne la partie. Chacun s’en va de son côté.

Les puissantes ventrues sont donc de vieilles matrones, indifférentes maintenant aux effusions de la pariade. L’an passé, à pareille époque, peut-être même avant, elles ont eu leur bonne saison, et désormais cela leur suffit. La Scorpionne a par conséquent la gestation d’une durée bien extraordinaire, comme on n’en trouverait pas beaucoup de comparables même chez les animaux d’ordre supérieur. Il lui faut un an et davantage pour amener ses germes à maturité.

Revenons au couple que nous venons de voir se former au pied du fanal. Je le visite le lendemain matin à six heures. Il est sous la tuile exactement agencé comme pour la promenade, c’est-à-dire face à face et les doigts saisis. Tandis que je le surveille, un second couple se forme et se met à pérégriner. L’heure matinale de l’expédition me surprend ; je n’avais jamais vu et ne devais revoir que rarement pareil fait en plein jour. C’est à la tombée de la nuit que réglementairement s’entreprennent les promenades à deux. D’où provient telle hâte aujourd’hui ?

Je crois en entrevoir le motif. Le temps est orageux ; le tonnerre ne discontinue, très violent, dans l’après-midi. Saint Médard, dont on célébrait hier la fête, ouvre ses larges écluses ; il pleut à verse toute la nuit. La forte tension électrique et les effluves de l’ozone ont émoustillé les somnolents ermites, qui, les nerfs agacés, viennent la plupart sur le seuil de leurs cellules, tendent au dehors leurs pinces interrogatrices et s’informent de l’état des choses. Plus émotionnés, deux sont sortis, dominés par l’ivresse de la pariade qu’exalte l’ivresse