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SOUVENIRS ENTOMOLOGIQUES

en émoi dans l’enveloppe de satin, rompt elle-même l’ampoule au moment opportun ? C’est probable. Peut-être encore y a-t-il déhiscence spontanée, comme nous le montrera plus tard le ballon de l’Épeire fasciée, sacoche tenace qui s’ouvre d’elle-même d’une broche à une époque où depuis longtemps la mère n’existe plus.

En une seule séance, la famille entière émerge du sac. Tout aussitôt les petits grimpent sur le dos de la mère. Quant au sac vide, loque sans valeur, il est rejeté hors du terrier. La Lycose n’y accorde plus attention. Étroitement groupés l’un contre l’autre, parfois en une couche double et triple, suivant leur nombre, les jeunes occupent toute l’échine de la mère, qui, pendant sept mois, nuit et jour, va désormais porter sa famille. Nulle part ne se trouverait spectacle familial plus édifiant que celui de la Lycose vêtue de ses petits.

De temps à autre, il m’arrive de voir passer sur la grand’route un groupe de bohémiens se rendant à quelque foire du voisinage. Sur le sein de la mère, dans un hamac formé d’un mouchoir, vagit le nouveau-né. Le dernier sevré est à califourchon sur les épaules ; un troisième chemine agrippé aux jupons ; d’autres suivent de près, le plus grand en arrière et furetant dans les haies, riches de mûres. C’est superbe d’insoucieuse fécondité. Joyeux et sans le sou, ils vont. Le soleil est chaud, et la terre fertile.

Mais comme ce tableau pâlit devant celui de la Lycose, l’incomparable bohémienne dont la marmaille se compte par centaines ! Et tout ce monde, de septembre en avril, sans un instant de répit, trouve place sur le dos de la patiente, s’y laisse doucement vivre et promener.