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LE SCORPION LANGUEDOCIEN

Presque tous longent la muraille de verre. Des obstinés essayent l’escalade ; ils se hissent sur la queue, glissent, relombent, recommencent ailleurs. De leurs poings tendus, ils choquent le vitrage ; coûte que coûte, ils veulent s’en aller. Le parc est vaste cependant, il y a place pour tous ; les allées s’y prêtent à de longues promonades. N’importe, ils veulent vagabonder au loin. S’ils étaient libres, ils se disperseraient dans toutes les directions. L’an passé, à pareille époque, les colons de l’enclos ont quitté la bourgade, et je ne les ai plus revus.

La pariade, au printemps, leur impose des voyages. Jusqu’ici farouches solitaires, ils abandonnent maintenant leurs cellules, ils accomplissent le pèlerinage des amours ; insoucieux du manger, ils vont en quête de leurs pareils. Parmi les pierres de leur territoire, il doit y avoir des lieux d’élection où se font les rencontres, où se tiennent les assemblées. Si je ne craignais de me casser les jambes, de nuit, parmi les encombrements rocheux de leurs collines, j’aimerais d’assister à leurs fêtes matrimoniales, dans les délices de la liberté. Que font-ils là-haut, sur leurs pentes pelées ? Rien autre apparemment que dans l’enceinte vitrée. Le choix fait d’une épousée, ils la promènent longtemps à travers les touffes de lavande et les mains dans les mains. S’ils n’y jouissent pas des attraits de mon lumignon, ils ont pour eux la lune, l’incomparable lanterne.

10 mai. — Voir les débuts de l’invitation à la promenade n’est pas un événement sur lequel on puisse compter chaque soir. De dessous leurs pierres, divers sortent déjà liés par couples. En pareil assemblage de doigts saisis, ils y ont passé la journée entière, immo-