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LA LYCOSE DE NARBONNE

nées par le courtmt de leur activité, elles creusent encore dans mes appareils. Trompées par une amorce de puits, elles approfondissent l’empreinte du crayon comme elles auraient approfondi leur réel vestibule. Elles ne recommencent pas le travail ; elles le continuent.

Les secondes, dépourvues de ce leurre, de ce semblant de terrier pris pour leur ouvrage, renoncent aux fouilles et se laissent mourir, parce qu’il faudrait rétrograder dans la série des actes et reprendre les coups de pioche du début. Recommenter demande réflexion, aptitude qui leur est étrangère.

Pour l’insecte, — en bien des cas déjà nous l’avons reconnu, — ce qui est fait est fait, et plus ne se reprend. Les aiguilles d’une montre ne rétrogradent pas. À peu près ainsi se comporte l’insecte. Son activité l’entraîne dans un sens, toujours en avant, sans lui permettre le recul, même lorsqu’un accident le rend nécessaire.

Ce que nous ont appris jadis les Chalicodomes et les autres, voici que maintenant la Lycose le confirme à sa manière. Incapable de se créer à frais nouveaux une seconde demeure lorsque la première est ruinée, elle vagabondera, elle pénétrera chez quelque voisine, au risque d’être mangée si elle n’est pas la plus forte, mais elle ne s’avisera pas de se domicilier en recommençant.

Ah ! le singulier intellect que celui de la bête, mélange de rigidité mécanique et de souplesse cérébrale ! Y a-t-il là des éclaircies qui combinent et des vouloirs qui poursuivent un but ? Après tant d’autres, la Lycose nous permet d’en douter.