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SOUVENIRS ENTOMOLOGIQUES

Pour la troisième fois dans le cours de ce volume, au sujet des petits de la Lycose d’abord, puis de la Clotho et enfin du Scorpion, nous voici ramenés au même soupçon. Les animaux d’organisation très différente de la nôtre, dépourvus d’une température propre déterminée par une oxydation active, seraient-ils régis par des lois biologiques immuables dans la série entière des vivants ? Chez eux le mouvement serait-il toujours le résultat d’une combustion dont le manger fournirait les matériaux ? Ne pourraient-ils emprunter, du moins en partie, leur activité aux énergies ambiantes, chaleur, électricité, lumière et autres, modes variés d’un même agent ?

Ces énergies sont l’âme du monde, l’insondable tourbillon qui met en branle l’univers matériel. Serait-ce alors idée paradoxale que de se figurer, dans certains cas, l’animal comme un accumulateur de haute perfection, capable de recueillir la chaleur ambiante, de la transmuter dans ses tissus en équivalent mécanique et de la restituer sous forme de mouvement ? Ainsi s’entreverrait la possibilité de la bête agissant en l’absence d’un aliment énergétique matériel.

Ah ! la superbe trouvaille que fit la vie, lorsque, aux époques de la houille, elle inventa le Scorpion ! Agir sans manger, quel don incomparable s’il se fût généralisé ! Que de misères, que d’atrocités supprimerait l’affranchissement des tyrannies du ventre ! Pourquoi le merveilleux essai ne s’est-il pas continué, se perfectionnant dans les créatures d’ordre supérieur ? Quel dommage que l’exemple de l’initiateur n’ait pas été suivi, en progression croissante ! Aujourd’hui peut-être, exemptée des ignominies de la mangeaille, la pensée, la plus