Page:Fabre - Souvenirs entomologiques edition7 Serie 9.djvu/254

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
248
SOUVENIRS ENTOMOLOGIQUES

mes sujets, qui doucement grignote une capture, un mesquin Mille-Pattes, Cryptops ou Lithobie. D’ailleurs le nombre est loin de suppléer à l’exiguïté de la pièce ; le consommateur du maigre morceau ne se revoit de longtemps en possession d’un second.

Je m’attendais à mieux. Telle brute, me disais-je, si bien armée pour la bataille, ne se contente pas de bagatelles ; ce n’est pas avec une cartouche de dynamite que se charge la sarbacane pour abattre un oisillon ; ce n’est pas avec dard atroce que se poignarde une humble bestiole. Le manger doit consister en venaison puissante. Je me trompais. Si terriblement outillé, le Scorpion est un vénateur fort médiocre.

C’est de plus un poltron. Rencontrée en chemin, une petite Mante éclose du jour lui cause de l’émoi. Un Papillon du chou le met en fuite rien qu’en battant le sol de ses ailes tronquées ; l’inoffensif estropié en impose à sa couardise. Il faut le stimulant de la faim pour le décider à l’attaque.

Que lui donner, lorsqu’en avril l’appétit commence à lui venir ? Il lui faut, comme aux Araignées, proie vivante, assaisonnée de sang non encore figé : il lui faut morceau qui palpite des frémissements de l’agonie. Jamais sur un cadavre il ne porte la dent. La pièce, en outre, doit être tendre et de petit volume. Me figurant le régaler, en mes débuts d’éducateur je lui servais des Criquets choisis parmi les gros. Obstinément il les refusait. C’est trop coriace, et de plus d’accès difficultueux, à cause des ruades qui démoralisent le poltron.

J’essaye le Grillon champêtre, à panse dodue et fondante ainsi qu’une pilule de beurre. J’en introduis une demi-douzaine dans l’enceinte vitrée, avec feuille de