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LE SCORPION LANGUEDOCIEN

jour le jour à mesure que besoin en est. Après le service, un tampon d’ouate ferme la lucarne d’approvisionnement.

Encore mieux que les colons de la bourgade en plein air, où ma houlette a préparé elle-même la voie d’entrée sous les pierres, mes sujets des cloches, peu après leur installation, me permettent d’assister à leur travail de terrassiers. Le Scorpion languedocien a une industrie, il sait se domicilier dans une cellule, son ouvrage. Pour s’établir, mes incarcérés disposent chacun d’un large tesson courbe, qui, enchâssé dans le sable, donne une amorce de grotte, simple fissure cintrée. C’est à l’animal d’exécuter des fouilles là-dessous et de se loger à sa convenance.

L’excavateur ne tarde guère, surtout au soleil, dont l’éclat l’importune. Prenant appui sur la quatrième paire de pattes, le Scorpion ratisse des trois autres paires ; il laboure le sol, il le réduit en poudre mobile avec une gracieuse prestesse, qui rappelle celle du chien grattant pour enterrer un os. Après le vif moulinet des pattes vient le coup de balai. De sa queue couchée à plat et puissamment débandée, il refoule en arrière l’amas terreux. C’est le geste de notre coude écartant un obstacle. Si les déblais ainsi repoussés ne sont pas assez loin, le balayeur y revient, renouvelle ses coups de refouloir et achève l’affaire.

Remarquons que les pinces, malgré leur vigueur, ne prennent jamais part aux fouilles, ne s’agirait-il que d’extraire un grain de sable. Réservées pour le service de la bouche, de la bataille et surtout de l’information, elles perdraient l’exquise sensibilité de leurs doigts en cette grossière besogne.