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L’ARAIGNÉE CLOTHO

superbe salin blanc, mais elles sont tellement soudées d’une part entre elles, d’autre part avec le plancher de la demeure, qu’il est impossible de les séparer sans déchirures et de les obtenir isolées. L’ensemble des œufs atteint environ la centaine.

Sur le monceau des pochettes se tient la mère, avec la dévotion d’une poule sur sa couvée. La maternité ne l’a pas fléirie. Quoique amoindrie en volume, elle a toujours excellent aspect de santé ; son ventre replet et sa peau bien tendue affirment tout d’abord que son rôle n’est pas fini.

L’éclosion est précoce. Novembre n’est pas arrivé que les pochettes contiennent des jeunes, tout petits, costumés de sombre avec cinq points jaunes, exactement comme les adultes. Les nouveau-nés ne quittent pas leurs alcôves respectives. Serrés l’un contre l’autre, ils y passent toute la mauvaise saison, tandis que la mère, accroupie sur l’amas des loges, veille à la sécurité générale, sans connaître sa famille autrement que par les douces trépidations perçues à travers les cloisons des chambrettes. Ce que nous a montré l’Araignée labyrinthe, en permanence pendant deux mois dans son corps de garde, pour y défendre au besoin sa nitée, qu’elle ne verra jamais, la Clotho le fait pendant près de huit mois, méritant ainsi de voir un peu sa famille trottiner autour d’elle dans la grande cabine et d’assister à l’exode finale, le grand voyage au bout d’un fil.

Quand arrivent les chaleurs de juin, les jeunes, aidés probablement par la mère, percent les parois de leurs loges, sortent de la tente maternelle, dont ils connaissent très bien la secrète issue, prennent quelques heures l’air sur le seuil, puis s’envolent, emportés à distance