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SOUVENIRS MATHÉMATIQUES

temps une rangée de livres, oracles consultés du maître au cours de ses leçons.

Parmi ces livres, me disais-je, se trouve apparemment un volume d’algèbre. Le demander à qui de droit ne me sourit guère. Le cher collègue m’accueillerait du haut de sa grandeur, prendrait en dérision mes visées ambitieuses. Je serais éconduit, j’en ai la certitude. L’avenir devait me prouver combien ma méfiance avait raison. L’étroitesse d’esprit, la jalousie mesquine, partout se retrouvent.

Ce livre, qu’on me refuserait si je le demandais, allons le prendre. C’est jour de congé. Le maître n’apparaîtra pas d’aujourd’hui, et la clef de ma chambre est, de peu s’en faut, pareille à la sienne.

Je vais, l’oreille et l’œil au guet. Ma clef force légèrement dans la serrure, hésite, reprend, pèse plus fort. C’est fait, la porte s’ouvre. L’armoire est visitée. Un livre d’algèbre s’y trouve, en effet, copieux comme on les écrivait alors, épais de trois gros travers de doigt. Les jambes me flageolent. Ah ! pauvre crocheteur de portes, si tu étais surpris en pareille équipée ! Tout se passe à souhait. Vite refermons et rentrons chez nous avec le livre larronné.

À nous deux maintenant, ténébreux bouquin dont le nom arabe a comme un relent de sciences occultes et fraternise avec ceux d’almageste et d’alchimie. Que vas-tu me montrer ? Feuilletons au hasard. Avant d’arrêter la vue sur un point déterminé du paysage, il convient de s’informer de l’ensemble. Les pages rapidement se succèdent, ne me disant rien. Au cœur du volume, un chapitre m’arrête ; il a pour titre : Binôme de Newton.