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LES ÉPEIRES

voir les réserves épuisées lorsque viendra la dispendieuse confection du nid.

Pour ce motif ou pour d’autres dont je n’ai pas le secret, l’Épeire fasciée et l’Épeire soyeuse jugent à propos de faire travail durable et d’affermir leur piège avec un ruban transversal. Les autres Épeires, sujettes à moins de frais dans la fabrication de la sacoche maternelle, simple pilule, ignorent le zigzag consolidateur et recommencent leur toile presque chaque soir à la façon des jeunes.

Ma grosse voisine, l’Épeire angulaire, consultée à la clarté d’une lanterne, nous dira comment s’opère le renouvellement du tilet. Aux dernières lueurs du crépuscule, elle descend, circonspecte, de son manoir diurne ; elle quitte la verdure des cyprès et vient sur le câble suspenseur de son piège. Là, quelque temps elle stationne ; puis, descendant sur la toile, elle en cueille les ruines par grandes brassées. Tout vient sous les râteaux des pattes, spirale, rayons et charpente. Une seule chose est épargnée : c’est le câble suspenseur, la robuste pièce qui a servi de base aux constructions précédentes et va servir à la nouvelle après quelques retouches de consolidation.

Des ruines rassemblées résulte une pilule que l’Araignée consomme avec autant de gloutonnerie qu’elle le ferait d’une proie. Rien, n’en reste. Pour la seconde fois se montre la haute économie des Épeires en matière de soierie. Nous les avons vues, après la confection du réseau, manger la mire centrale, modeste bouchée ; les voici maintenant qui déglutissent la toile entière, morceau copieux. Affinés par l’estomac et redevenus liquides, les matériaux du vieux filet serviront à d’autres usages.