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SOUVENIRS ENTOMOLOGIQUES

peut être, un certain temps encore, que la répétition de ce que nous venons de voir. Attendons une demi-journée environ.

Si notre surveillance ne s’est pas lassée, nous verrons le père reparaître seul à la surface et se blottir dans le sable non loin du terrier. Retenue là-bas par des soins où son compagnon ne lui serait d’aucun secours, la mère retarde habituellement sa sortie jusqu’au lendemain. Enfin elle se montre. Le père sort de la cachette où il somnolait, et la rejoint. Le couple, de nouveau réuni, va au monceau de vivres, s’y restaure, puis y taille un second lopin, auquel tous les deux collaborent encore, tant pour le modelage que pour le charroi et la mise en silo.

Cette fidélité conjugale m’agrée. Est-elle bien la règle ? Je n’oserais l’affirmer. Il doit y avoir là des volages qui, dans la mêlée sous un large gâteau, oublient la première boulangère dont ils ont été les mitrons, et se vouent au service d’une autre, rencontrée par hasard ; il doit y avoir des ménages temporaires, divorçant après une simple pilule. N’importe : le peu que j’ai vu me donne haute estime des mœurs familiales du Sisyphe.

Résumons ces mœurs avant d’en venir au contenu du terrier. Tout autant que la mère, le père travaille à l’extraction et au modelage de la pièce qui sera la dot d’une larve ; il prend part au charroi, avec un rôle secondaire il est vrai ; il veille sur le pain lorsque la mère s’absente à la recherche du point où se creusera le caveau ; il prête assistance aux travaux de fouille ; il voiture au dehors les déblais de la crypte ; enfin, pour couronner ces qualités, il est, dans une large mesure, fidèle à son épousée.