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SOUVENIRS ENTOMOLOGIQUES

s’est levé matin en vue de l’expédition projetée, si matin qu’il te faut partir à jeun. Sois tranquille : l’appétit venu, on fera halte à l’ombre, et tu trouveras dans mon sac le viatique habituel, pomme et morceau de pain. Le mois de mai s’approche : le Sisyphe doit avoir paru. Il s’agit maintenant d’explorer, aux pieds de la montagne, les maigres pelouses où les troupeaux ont passé ; nous aurons à casser entre les doigts, une à une, les brioches du mouton cuites par le soleil et conservant encore un noyau de mie sous leur croûte. Nous y trouverons le Sisyphe, blotti et attendant là aubaine plus fraîche que fournira le pacage du soir.

Endoctriné sur ce secret que m’avaient révélé les trouvailles fortuites d’antan, petit Paul passe aussitôt maître dans l’art d’enucléer le crottin. Il y met tant de zèle, tant de flair des bons morceaux, qu’en un petit nombre de séances je suis approvisionné au delà de mes ambitions. Me voici possesseur de six couples de Sisyphes, richesse inouïe, sur lagnelle j’étais bien loin de compter.

Leur éducation n’exige pas la volière. La cloche en toile métallique suffit, avec lit de sable et vivres de leur goût. Is sont si petits, à peine un noyau de cerise ! Curieux de forme malgré tout. Corps trapu, atténuant son arrière en ogive ; pattes très longues, imitant, étalées, celles de l’araignée ; les postérieures démesurées et courbes, excellentes pour enlacer, enserrer la pilule.

La pariade se fait vers le commencement de mai, à la surface du sol, parmi les reliefs du gâteau dont on vient de festoyer. Bientôt vient le moment d’établir la famille. D’un zèle égal, les deux conjoints prennent part à la fois au pétrissage, au charroi, à l’enfournement