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LE SISYPHE. — INSTINCT DE LA PATERNITÉ

Assidu compagnon de mes chasses, il connaît comme pas un de son âge les secrets de la Cigale, du Criquet, du Grillon ot surtout du Bousier, sa grande joie. À vingt pas de distance, son clair regard distingue, des amas fortuits, le vrai monceau des terriers ; son oreille fine entend la subtile stridulation de la Sauterelle qui pour moi est silence. Il me prête sa vue, il me prête son ouïe ; en échange, je lui livre l’idée, qu’il accueille attentif, en levant vers mopi ses grands yeux bleus interrogateurs.

Oh ! l’adorable chose que la première floraison intellectuelle ; le bel âge que celui où la candide curiosité s’éveille, s’informant de tout ! Donc petit Paul a sa volière où le Scarabée lui confectionne des poires ; son jardinet, grand comme un mouchoir, où germent des haricots, déterrés souvent pour voir si la radicule s’allonge : sa plantation forestière où se dressent quatre chênes hauts d’un pan, munis encore sur le côté du gland nourricier à double mamelle. Cela fait diversion à l’aride grammaire, qui n’en marche pas plus mal.

Que de belles et bonnes choses l’histoire naturelle pourrait loger dans les têtes enfantines, si la seience daignait se faire aimable avec les petits ; si nos casernes universitaires s’avisaient d’adjoindre à l’étude morte des livres l’étude vivante des champs : si le lacet des programmes, chers aux bureaucrates, n’étranglait toute initiative de bonne volonté ! Petit Paul, mon ami, étudions autant que possible à la campagne, parmi les romarins et les arbousiers. Nous y gagnerons vigueur du corps et vigueur de l’esprit ; nous y trouverons le beau et le vrai mieux que dans les bouquins.

Aujourd’hui le tableau noir chôme ; c’est fête. On