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au fond du terrier est pour lui d’une si impérieuse nécessité.

Voici le seul fait d’observation qui puisse jeter quelque jour sur le problème. Au milieu d’une colonie de Sphex en pleine activité, colonie d’où tout autre hyménoptère est habituellement exclu, j’ai surpris un jour un giboyeur de genre différent, un Tachytes nigra, transportant un à un, sans se presser, avec le plus grand sang-froid, au milieu de la foule où il n’était qu’un intrus, des grains de sable, des brins de petites tiges sèches et autres menus matériaux, pour boucher un terrier de même calibre que les terriers voisins du Sphex. Ce travail était fait trop consciencieusement pour qu’il fût permis de douter de la présence de l’œuf de l’ouvrier dans le souterrain. Un Sphex aux démarches inquiètes, apparemment légitime propriétaire du terrier, ne manquait pas, chaque fois que l’hyménoptère étranger pénétrait dans la galerie, de s’élancer à sa poursuite ; mais il ressortait brusquement, comme effrayé, suivi de l’autre qui, impassible, continuait son œuvre. J’ai visité ce terrier, évidemment objet de litige entre les deux hyménoptères, et j’y ai trouvé une cellule approvisionnée de quatre Grillons. Le soupçon fait presque place à la certitude : ces provisions dépassent, et de beaucoup, les besoins d’une larve de Tachytes, de moitié au moins plus petit que le Sphex. Celui que son impassibilité, ses soins à boucher le terrier, auraient d’abord fait prendre pour le maître du logis, n’était en réalité qu’un usurpateur. Comment le Sphex, bien plus gros, plus vigoureux que son adversaire, se laisse-t-il impunément dépouiller, se bornant à des poursuites sans résultat, et fuyant lâchement lorsque l’intrus, qui n’a pas même l’air de s’apercevoir de sa présence, se retourne pour sortir du terrier ? Est-ce que, chez les insectes comme chez l’homme, la première chance de