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le tuf était œuvre de délicatesse et non de violence. Tout porte donc à croire qu’observé, novice encore, dans la cellule natale, le Scarabée se trouverait manchot et semblable au vétéran qui a couru le monde et s’est usé au travail.

Sur cette absence de doigts pourrait se baser un raisonnement en faveur des théories à la mode aujourd’hui, concurrence vitale et transformation de l’espèce. On dirait : Les Scarabées ont eu d’abord des tarses à toutes les pattes, conformément aux lois générales de l’organisation chez les insectes. D’une façon ou de l’autre, quelques-uns ont perdu aux pattes antérieures ces appendices embarrassants, plus nuisibles qu’utiles ; se trouvant bien de cette mutilation qui favorisait le travail, ils ont prévalu peu à peu sur les autres, moins avantagés ; ils ont fait souche en transmettant à leur descendance leurs moignons sans doigts, et finalement l’antique insecte doigté est devenu l’insecte manchot de nos jours. À ces raisons je veux bien me rendre si l’on me démontre d’abord pour quels motifs, avec des travaux analogues et bien autrement rudes, le Géotrupe a conservé ses tarses. Jusque-là, continuons à croire que le premier Scarabée qui roula sa pilule, peut-être sur la plage de quelque lac où se baignait le Palœothérium, était privé de tarses antérieurs comme le nôtre.