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joyeuse bande d’enfants traversaient le plateau. C’était un jeudi. Oublieux de l’école et de l’affreuse leçon, une pomme dans une main, un morceau de pain dans l’autre, ils venaient du village voisin, les Angles ; ils s’en allaient tout là-bas gratter la colline pelée où viennent s’amortir les balles de la garnison dans les exercices de tir. Quelques morceaux de plomb, de la valeur d’un petit sou peut-être pour la récolte entière, étaient le mobile de la matinale expédition. Les fleurettes roses des géraniums émaillaient les pelouses qui se hâtaient d’embellir un moment cette Arabie pétrée ; le motteux oreillard, mi-partie blanc et noir, ricanait en voletant d’une pointe de rocher à l’autre ; sur le seuil de terriers creusés au pied des touffes de thym, les grillons emplissaient l’air de leur monotone symphonie. Et les enfants étaient heureux de cette fête printanière ; plus heureux encore des richesses en perspective, du petit sou, prix des balles trouvées, du petit sou qui leur permettrait d’acheter le dimanche suivant, à la marchande établie devant la porte de l’église, deux berlingots à la menthe, deux gros berlingots de deux liards pièce.

J’aborde le plus grand, dont la mine éveillée me donne bon espoir ; les petits font cercle tout en mangeant leur pomme. J’expose la chose, je leur montre le Scarabée sacré roulant sa boule ; je leur dis que dans cette boule enfouie quelque part en terre, je ne sais où, doit quelquefois se trouver une niche creuse et dans cette niche un ver. Il s’agit, en fouillant çà et là au hasard, en surveillant les manœuvres du Scarabée, de trouver la boule habitée par le ver. Les boules sans ver ne doivent pas compter. Et pour les allécher par une somme fabuleuse, qui détournât désormais au profit de mes recherches le temps consacré à quelques liards de plomb, je promis un franc, une belle pièce toute neuve de vingt sous,