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sans tarder la récolte en lieu sûr. La cellule incomplète, dont l’Hyménoptère ne veut pas à la place de son propre magasin achevé et garni de miel en partie, se trouve parfois, ai-je dit, avec d’autres cellules contenant œuf, pâtée, et closes depuis peu. Dans ce cas, il m’est arrivé, mais non toujours, d’assister à ceci. L’insuffisance de la cellule inachevée bien reconnue, l’Abeille se met à ronger le couvercle de terre fermant l’une des cellules voisines. Avec de la salive, elle ramollit un point de l’opercule de mortier, et patiemment, atome par atome, elle creuse dans la dure cloison. L’opération marche avec une lenteur extrême. Une grosse demi-heure se passe avant que la fossette excavée ait l’ampleur nécessaire pour recevoir une tête d’épingle. J’attends encore. Puis l’impatience me gagne ; et bien convaincu que l’Abeille cherche à ouvrir le magasin, je me décide à lui venir en aide pour abréger. De la pointe du couteau, je fais sauter le couvercle. Avec lui vient le couronnement de la cellule, qui reste avec le bord fortement ébréché. Dans ma maladresse, d’un vase gracieux j’ai fait un mauvais pot égueulé.

J’avais bien jugé : le dessein de l’Hyménoptère était de forcer la porte. Voici qu’en effet, sans se préoccuper des brèches de l’orifice, l’Abeille s’établit aussitôt à la cellule que je lui ai ouverte. À nombreuses reprises, elle y apporte miel et pollen, quoique les provisions y soient déjà au grand complet. Enfin dans cette cellule, renfermant déjà un œuf qui n’est pas le sien, elle dépose son œuf ; puis elle clôture de son mieux l’embouchure égueulée. Donc cette Abeille qui approvisionnait n’a su, n’a pu reculer devant l’impossibilité où je l’avais mise de continuer son travail à moins d’achever la cellule incomplète remplaçant la sienne. Ce qu’elle faisait, elle a persisté à le faire en dépit des obstacles. Elle a jusqu’au bout accompli son œuvre mais par les voies les plus absurdes : entrée avec effraction dans le bien d’une