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l’amas de pâtée, pondre et sceller. – Erreur, profonde erreur : notre logique est illogique pour la bête. L’insecte obéit à une incitation fatale, inconsciente. Il n’a pas le choix de ce qu’il doit faire ; il n’a pas le discernement de ce qui convient et de ce qui ne convient pas ; il glisse, en quelque sorte, suivant une pente irrésistible, déterminée d’avance pour l’amener au but. C’est ce qu’affirment hautement les faits qu’il me reste à rapporter.

L’Abeille qui bâtissait et à qui j’offre cellule toute bâtie et pleine de miel ne renonce nullement au mortier pour cela. Elle faisait travail de maçonne ; et une fois sur cette pente, entraînée par l’inconsciente impulsion, elle doit maçonner, son travail serait-il inutile, superflu, contraire à ses intérêts. La cellule que je lui donne est certainement parfaite de construction, d’après l’avis du maître maçon lui-même, puisque l’Hyménoptère à qui je l’ai soustraite y achevait la provision de miel. Y faire des retouches, y ajouter surtout, est chose inutile et, qui plus est, absurde. C’est égal : l’Abeille qui maçonnait maçonnera. Sur l’orifice du magasin à miel, elle dispose un premier bourrelet de mortier, puis un autre, un autre encore, tant enfin que la cellule s’allonge du tiers de la hauteur réglementaire. Voilà l’œuvre de maçonnerie accomplie, non aussi développée, il est vrai, que si l’Hyménoptère avait continué la cellule dont il jetait les fondations au moment de l’échange des nids ; mais enfin d’une étendue plus que suffisante pour démontrer l’impulsion fatale à laquelle obéit le constructeur. Arrive alors l’approvisionnement, abrégé lui aussi, sinon le miel déborderait par l’addition des récoltes des deux Abeilles. Ainsi le Chalicodome qui commence à construire et à qui l’on donne cellule achevée et garnie de miel, ne change rien à la marche de son travail : il maçonne d’abord et puis approvisionne. Seulement il abrège, son instinct l’avertis-