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de provisions dans le garde-manger d’autrui se répète autant de fois que je le permets. L’autre Hyménoptère, trouvant à la place de son unique cellule, la spacieuse construction à huit appartements, est d’abord assez embarrassé. Quelle est la bonne, parmi les huit cellules ? Dans quelle est l’amas de pâtée commencé ? L’Abeille donc visite une à une les chambres, y plonge jusqu’au fond, et finit par rencontrer ce qu’elle cherche, c’est-à-dire ce qu’il y avait dans son nid à son dernier voyage, un commencement de provisions. À partir de ce moment, elle fait comme sa voisine, et continue, dans le magasin qui n’est pas son ouvrage, l’apport du miel et du pollen.

Remettons les nids à leurs places naturelles, échangeons-les encore, et chaque Abeille, après de courtes hésitations qu’explique assez la différence si grande des deux nids, poursuivra le travail dans la cellule de son propre ouvrage, et dans la cellule étrangère, alternativement. Enfin l’œuf est pondu et l’habitacle clôturé, quel que soit le nid occupé au moment où les provisions suffisent. De tels faits disent assez pourquoi j’hésite à donner le nom de mémoire à cette faculté singulière qui ramène l’insecte, avec tant de précision, à l’emplacement de son nid, et ne lui permet pas de distinguer son ouvrage de l’ouvrage d’un autre, si profondes qu’en soient les différences.

Expérimentons maintenant le Chalicodome des murailles sous un autre point de vue psychologique. – Voici une Abeille maçonne qui construit ; elle en est à la première assise de sa cellule. Je lui donne en échange une cellule non seulement achevée comme édifice, mais encore garnie de miel presque au complet. Je viens de la dérober à sa propriétaire, qui n’aurait pas tardé à y déposer son œuf. Que va faire la maçonne devant ce don de ma munificence, lui épargnant fatigues de bâtisse et de récolte ? Laisser là le mortier, sans doute ; achever