J’avais relâché mes Hyménoptères sur les deux heures et les premiers arrivés rentraient au nid à trois heures moins vingt. Trois quarts d’heure à peu près leur avaient donc suffi pour franchir les quatre kilomètres ; résultat bien frappant, surtout si l’on considère que les Abeilles butinaient en route, comme en témoignaient le ventre jauni de pollen, et que, d’autre part, l’essor des voyageurs devait être entravé par le souffle contraire du vent. Trois autres rentrèrent sous mes yeux, toujours avec la preuve du travail fait en chemin, la charge pollinique. La journée touchant à sa fin, l’observation ne pouvait être continuée. Lorsque le soleil baisse, les Chalicodomes quittent, en effet, le nid pour aller se réfugier je ne sais où, qui d’ici, qui de là ; peut-être sous les tuiles des toits et dans les petits abris des murailles. Je ne pouvais compter sur l’arrivée des autres qu’à la reprise des travaux, au moment du plein soleil.
Le lendemain, quand le soleil rappela au nid les travailleurs dispersés, je repris le recensement des Abeilles à thorax marqué de blanc. Le succès dépassa toutes mes espérances : j’en comptai quinze, quinze des expatriées de la veille, approvisionnant ou maçonnant comme si rien d’extraordinaire ne s’était passé. Puis l’orage, dont les indices se multipliaient, éclata, et fut suivi d’une série de jours pluvieux qui m’empêchèrent de continuer.
Telle qu’elle est, l’expérience suffit. Sur une vingtaine d’Hyménoptères qui m’avaient paru en état de faire le voyage lorsque je les avais relâchés, quinze au moins étaient revenus : deux dans la première heure, trois dans la soirée, et les autres le lendemain matin. Ils étaient revenus malgré le vent contraire et, difficulté plus grave, malgré l’inconnu des lieux où je les avais transportés. Il est indubitable, en effet, qu’ils voyaient pour la première fois ces oseraies de l’Aygues, choisies