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pierre. Il faut une solide lame de couteau pour entamer la construction. Disons, pour terminer, que, sous sa forme finale, le nid ne rappelle en rien l’ouvrage primitif, tellement que l’on prendrait pour travail de deux espèces différentes les cellules du début, élégantes tourelles, à revêtement de cailloutage, et le dôme de la fin, en apparence simple amas de boue. Mais grattons le couvert de ciment, et nous trouverons en dessous les cellules et leurs assises de menus cailloux parfaitement reconnaissables.

Au lieu de bâtir à neuf, sur un galet qui n’a pas été encore occupé, le Chalicodome des murailles volontiers utilise les vieux nids qui ont traversé l’année sans subir notables dommages. Le dôme de mortier est resté, bien peu s’en faut, ce qu’il était au début, tant la maçonnerie a été solidement construite ; seulement, il est percé d’un certain nombre d’orifices ronds correspondant aux chambres, aux cellules qu’habitaient les larves de la génération passée. Pareilles demeures, qu’il suffit de réparer un peu pour les mettre en bon état, économisent grande dépense de temps et de fatigue ; aussi les Abeilles maçonnes les recherchent et ne se décident pour des constructions nouvelles que lorsque les vieux nids viennent à leur manquer.

D’un même dôme il sort plusieurs habitants, frères et sœurs, mâles roux et femelles noires, tous lignée de la même Abeille. Les mâles, qui mènent vie insouciante, ignorent tout travail et ne reviennent aux maisons de pisé que pour faire un instant la cour aux dames, ne se soucient de la masure abandonnée. Ce qu’il leur faut, c’est le nectar dans l’amphore des fleurs, et non le mortier à gâcher entre les mandibules. Restent les jeunes mères, seules chargées de l’avenir de la famille. À qui d’entre elles reviendra l’immeuble, l’héritage du vieux nid ? Comme sœurs, elles y ont droit égal : ainsi le déciderait notre justice, depuis que, progrès énorme, elle s’est af-