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seule chose ne lui va pas : le crépi de nos habitations. Aussi prudent que son congénère, il craindrait la ruine des cellules, s’il les confiait à un appui dont la chute est possible.

Enfin, pour des raisons que je ne peux m’expliquer encore d’une manière satisfaisante, le Chalicodome de Sicile change souvent, du tout au tout, l’assiette de sa bâtisse : de sa lourde maison de mortier, qui semblerait exiger le solide appui du roc, il fait demeure aérienne, appendue à un rameau. Un arbuste des haies, quel qu’il soit, aubépine, grenadier, paliure, lui fournit le support, habituellement à hauteur d’homme. Le chêne vert et l’orme lui donnent élévation plus grande. Dans le fourré buissonneux, il fait donc choix d’un rameau de la grosseur d’une paille ; et, sur cette étroite base, il construit son édifice avec le même mortier qu’il mettrait en œuvre sous un balcon ou le rebord d’un toit. Terminé, le nid est une boule de terre, traversée latéralement par le rameau. La grosseur en est celle d’un abricot si l’ouvrage est d’un seul, et celle du poing si plusieurs insectes y ont collaboré ; mais ce dernier cas est rare.

Les deux Hyménoptères font emploi des mêmes matériaux : terre argilo-calcaire, mélangée d’un peu de sable et pétrie avec la salive même du maçon. Les lieux humides, qui faciliteraient l’exploitation et diminueraient la dépense en salive pour gâcher le mortier, sont dédaignés des Chalicodomes, qui refusent la terre fraîche pour bâtir, de même que nos constructeurs refusent plâtre éventé et chaux depuis longtemps éteinte. De pareils matériaux, gorgés d’humidité pure, ne feraient pas convenablement prise. Ce qu’il leur faut, c’est une poudre aride, qui s’imbibe avidement de la salive dégorgée et forme, avec les principes albumineux de ce liquide, une sorte de ciment romain prompt à durcir, quelque chose enfin de comparable au mastic que