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planchette en gros caractères, les mots tempête, pluie, beau temps.

« Le baromètre, fait le bon abbé s’adressant à ses disciples qu’il tutoie patriarcalement, le baromètre annonce le bon et le mauvais temps. Tu vois les mots écrits sur la planche, tempête, pluie ; tu vois Bastien ? »

« Je vois » répond Bastien, le plus malin de la bande. Il a déjà parcouru son livre ; il est au courant du baromètre mieux que le professeur.

« Il se compose, continue l’abbé, d’un canal de verre recourbé, plein de mercure, qui monte ou qui descend suivant le temps qu’il fait. La petite branche de ce canal est ouverte ; l’autre… l’autre… enfin nous allons voir. Toi, Bastien, qui es grand, monte sur la chaise et va voir un peu, du bout du doigt, si la longue branche est ouverte ou fermée. Je ne me rappelle plus bien. »

Bastien va à la chaise, s’y dresse tant qu’il peut sur la pointe des pieds, et du doigt palpe le sommet de la longue colonne. Puis avec un sourire fermement épanoui sous le poil follet de sa moustache naissante :

« Oui, fait-il, oui, c’est bien cela. La longue branche est ouverte par le haut. Voyez, je sens le creux. »

Et Bastien pour corroborer son fallacieux dire, continuait à remuer l’index sur le haut du tube. Ses condisciples complices de l’espièglerie, étouffaient du mieux leur envie de rire.

L’abbé, impassible : « Cela suffit. Descends, Bastien. Écrivez, messieurs, écrivez dans vos notes que la longue branche du baromètre est ouverte. Cela peut s’oublier ; je l’avais oublié moi-même. »

Ainsi s’enseignait la physique. Les choses, cependant, s’améliorèrent : on eut un maître, un maître pour tout de bon, sachant que la longue branche d’un baromètre est fermée. Moi-même j’obtins des tables où mes élèves pouvaient écrire au lieu de griffonner sur leurs genoux ;