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ment se fait-il qu’étant deux, nul ne songe à prêter son dos à l’autre pour l’élever d’autant et lui rendre ainsi le travail possible ? L’un aidant l’autre, ils doubleraient l’altitude gagnée. Ah ! qu’ils sont loin de semblable combinaison ! Chacun pousse à la boule, du mieux qu’il peut, il est vrai ; mais il pousse comme s’il était seul et sans paraître soupçonner l’heureux résultat qu’amènerait une manœuvre d’ensemble. Ils font là, sur la pilule clouée à terre par une épingle, ce qu’ils font dans des circonstances analogues, lorsque la charge est arrêtée par un obstacle, retenue par un lacet de chiendent, ou bien fixée en place par quelque menu bout de tige qui s’est implanté dans la masse molle et roulante. Mes artifices ont réalisé une condition d’arrêt peu différente au fond, de celles qui doivent naturellement se produire quand la pilule roule au milieu des mille accidents du terrain ; et l’insecte agit, dans mes épreuves expérimentales, comme il agirait en toute autre circonstance où je ne serais pas intervenu. Il fait coin et levier avec le dos, il pousse avec les pattes, sans rien innover dans ses moyens d’action, même lorsqu’il pourrait disposer du concours d’un confrère.

S’il est tout seul en face des difficultés de la boule clouée au sol, s’il n’a pas d’acolyte, ses manœuvres dynamiques restent absolument les mêmes, et ses efforts aboutissent à un succès, pourvu qu’on lui donne l’indispensable appui de la plate-forme, édifiée petit à petit. Si pareil secours lui est refusé, le Scarabée, que le toucher de sa chère pilule trop élevée ne stimule plus, se décourage et, tôt ou tard, à son grand regret, sans doute, s’envole et disparaît. Où va-t-il ? Je l’ignore. Ce que je sais fort bien, c’est qu’il ne revient pas avec une escouade de compagnons priés de lui venir en aide. Qu’en ferait-il, lui qui ne sait pas utiliser la présence d’un confrère quand la pilule est part à deux ?