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Une autre fois, en juin, sur le plateau de Saint-Amans, voisin du Ventoux, à une altitude de 734 mètres, j’ai été témoin d’une réunion semblable, mais beaucoup moins nombreuse. Au point le plus saillant du plateau, sur le bord d’un escarpement de roches à pic, se dresse une croix avec piédestal de pierres de taille. C’est sur les faces de ce piédestal et sur les rochers lui servant de base que le même Coléoptère du Ventoux, la Coccinelle à sept points, s’était rassemblé en légions. Les insectes étaient pour la plupart immobiles ; mais partout où le soleil donnait avec ardeur, il y avait continuel échange entre les arrivants, qui venaient prendre place, et les occupants du reposoir, qui s’envolaient pour revenir après un court essor.

Là, pas plus qu’au sommet du Ventoux, rien n’a pu me renseigner sur les causes de ces étranges réunions en des points arides, sans Pucerons, et nullement faits pour attirer des Coccinelles ; rien n’a pu me dire le secret de ces rendez-vous populeux sur les maçonneries des hauteurs. Y aurait-il encore ici des exemples d’émigration entomologique ? Y aurait-il assemblée générale, pareille à celle des Hirondelles avant le jour du départ commun ? Était-ce là des points de convocation, d’où la nuée des Coccinelles devait gagner canton plus riche en vivres ? C’est bien possible, mais c’est bien aussi extraordinaire. La bête à bon Dieu n’a jamais guère fait parler d’elle pour sa passion des voyages. Elle nous semble bien casanière quand nous la voyons faire boucherie des poux verts de nos rosiers et des poux noirs de nos fèves ; et cependant, avec son aile courte, elle va tenir réunion plénière, par myriades, au sommet du Ventoux, où le Martinet ne monte qu’en des moments de fougue effrénée. Pourquoi ces assemblées à de telles hauteurs ? Pourquoi ces prédilections pour les blocs d’une maçonnerie ?


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