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XIV

LES ÉMIGRANTS




J’ai raconté comment, sur les crêtes du mont Ventoux, vers l’altitude de 1800 mètres, j’avais eu une de ces bonnes fortunes entomologiques qui seraient riches de conséquences si elles se présentaient assez fréquemment pour se prêter à des études suivies. Malheureusement mon observation est unique, et je désespère de jamais la renouveler. Je ne pourrai donc étayer sur elle que des soupçons. C’est aux observateurs futurs de remplacer mes probabilités par des certitudes.

Sous l’abri d’une large pierre plate, je découvre quelques centaines d’Ammophiles (Ammophila hirsuta), amoncelées les unes sur les autres et d’une manière presque aussi compacte que le sont les Abeilles dans la grappe d’un essaim. Aussitôt la pierre levée, tout ce petit monde velu se met à grouiller, sans tentative aucune de fuir au vol. Je déplace le tas à pleines mains, nul ne fait mine de vouloir abandonner le groupe. Des intérêts communs semblent les maintenir indissolublement unis ; pas un ne part si tous ne partent. Avec tout le soin possible, j’examine la pierre plate qui ser-