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vous ne récolteriez que misérables restes. Encore épargné par la dent des troupeaux, le sommet du Ventoux est en juillet un vrai parterre ; sa couche de pierrailles est émaillée de fleurs. En mes souvenirs apparaissent, toutes ruisselantes de la rosée du matin, les gracieuses touffes d’Androsace villeuse, à fleurs blanches avec un œil rose tendre ; la Violette du mont Cenis, dont les grandes corolles bleues s’étalent sur les éclats de calcaire ; la Valériane Saliunque, qui associe le suave parfum de ses inflorescences et l’odeur stercoraire de ses racines ; la Globulaire cordifoliée, formant des tapis compacts d’un vert cru semés de capitules bleus ; le Myosotis alpestre, dont l’azur rivalise avec celui des cieux ; l’Iberis de Candolle, dont la tige menue porte une tête serrée de fleurettes blanches et plonge en serpentant au milieu des pierrailles ; la Saxifrage à feuilles opposées et la Saxifrage muscoïde, toutes les deux serrées en coussinets sombres, constellés de corolles roses pour la première, de corolles blanches lavées de jaune pour la seconde. Quand le soleil aura plus de force, nous verrons mollement voleter d’une touffe fleurie à l’autre un superbe Papillon à ailes blanches avec quatre taches d’un rouge carmin vif, cerclées de noir. C’est le Parnassius Apollo, hôte élégant des solitudes des Alpes, au voisinage des neiges éternelles. Sa chenille vit sur les Saxifrages. Bornons là cet aperçu des douces joies qui attendent le naturaliste au sommet du mont Ventoux et revenons à l’Ammophile hérissée, blottie en nombre sous l’abri d’une pierre lorsque la nuée pluvieuse est venue hier nous envelopper.


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