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Mante : le bandit était détroussé par un autre bandit. Détail affreux : tandis que la Mante le tenait transpercé sous les pointes de la double scie et lui mâchonnait déjà le ventre, l’Hyménoptère continuait à lécher le miel de son Abeille, ne pouvant renoncer à l’exquise nourriture même au milieu des affres de la mort. Hâtons-nous de jeter un voile sur ces horreurs.

Revenons au Sphex, dont il convient de connaître le terrier, avant d’aller plus loin. Ce terrier est pratiqué dans du sable fin, ou plutôt dans une sorte de poussière au fond d’un abri naturel. Le couloir en est très court, un pouce ou deux, sans coude. Il donne accès dans une chambre spacieuse, ovalaire et unique. En somme, c’est un antre grossier, à la hâte creusé, plutôt qu’un domicile fouillé avec art et loisir. J’ai dit comment le gibier, capturé d’avance et momentanément abandonné sur les lieux de chasse, est cause de la simplicité du gîte et ne permet qu’une seule chambre, qu’une seule cellule, pour chaque repaire. Qui sait effectivement où les hasards de la journée conduiront le chasseur pour une seconde capture ! Il faut que le terrier soit dans le voisinage de la lourde pièce saisie ; et la demeure d’aujourd’hui, trop éloignée pour le charroi de la seconde Éphippigère, ne peut servir aux travaux de demain. Donc, à chaque proie capturée, nouvelle fouille, nouveau terrier avec sa chambre unique, tantôt ici et tantôt là.

Cela dit, essayons quelques expériences pour apprendre comment se comporte l’insecte lorsqu’on fait naître des circonstances nouvelles pour lui.

Première expérience. — Un Sphex, traînant sa proie, est à quelques pouces de distance du terrier. Sans le déranger, je coupe avec des ciseaux les antennes de l’Éphippigère, antennes qui lui servent, on le sait, de cordons d’attelage. Remis de la surprise que lui cause le brusque allégement du fardeau traîné, l’Hyménoptère revient au gibier, et sans hésitation saisit