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jamais vu d’autre proie que des femelles, qui, bourrées d’œufs sont manger plus apprécié de la larve. Mon soupçon est fondé : privé de sa troisième capture, le Sphex refuse obstinément le mâle que je lui présente. Il court çà et là, d’un pas précipité, à la recherche du gibier disparu ; trois ou quatre fois, il se rapproche de l’Éphippigère, il en fait le tour, il jette un regard dédaigneux, et finalement s’envole. Ce n’est pas là ce qu’il faut à ses larves ; l’expérience me le répète à vingt ans d’intervalle.

Les trois femelles poignardées, dont deux sous mes yeux, restent ma possession. Toutes les pattes sont complètement paralysées. Qu’il soit sur le ventre dans la station normale, qu’il soit sur le dos ou sur le flanc, l’animal garde indéfiniment la position qu’on lui a donnée. De continuelles oscillations des antennes, par intervalles quelques pulsations du ventre et le jeu des pièces de la bouche, sont les seuls indices de vie. Le mouvement est détruit mais non la sensibilité, car à la moindre piqûre en un point à peau fine, tout le corps légèrement frémit. Peut-être un jour la physiologie trouvera-t-elle en pareilles victimes matière à de belles études sur les fonctions du système nerveux. Le dard de l’Hyménoptère, incomparable d’adresse pour atteindre un point et faire une blessure n’intéressant que ce point, suppléera, avec immense avantage, le scalpel brutal de l’expérimentateur, qui éventre quand il ne faudrait qu’effleurer. En attendant, voici les résultats que m’ont fournis les trois victimes, mais sous un autre point de vue.

Le mouvement seul des pattes étant détruit, sans autre lésion que celle des centres nerveux, foyer de ce mouvement, l’animal doit périr d’inanition et non de sa blessure. L’expérimentation en a été ainsi conduite :

Deux Éphippigères intactes, telles que venaient de me les fournir les champs, ont été mises en captivité