Ah ! je m’explique maintenant pourquoi le Sphex ne fait pas usage de son dard pour léser les ganglions cervicaux. Une goutte de venin instillée dans cet organe, centre des forces vitales, anéantirait l’ensemble de l’innervation, et la mort suivrait à bref délai. Mais ce n’est pas la mort que le chasseur veut obtenir ; les larves ne trouveraient nullement leur compte dans un gibier privé de vie, enfin dans un cadavre livré aux puanteurs de la corruption ; il veut obtenir seulement une léthargie, une torpeur passagère, qui abolisse pendant le charroi les résistances de la victime, résistances pénibles à vaincre et d’ailleurs dangereuses pour lui. Cette torpeur, il l’obtient par le procédé connu dans les laboratoires de physiologie expérimentale : la compression du cerveau. Il agit comme un Flourens, qui, mettant à nu le cerveau d’un animal, et pesant sur la masse cérébrale, abolit du coup intelligence, vouloir, sensibilité, mouvement. La compression cesse, et tout reparaît. Ainsi reparaissent les restes de vie de l’Éphippigère, à mesure que s’effacent les effets léthargiques d’une compression habilement conduite. Les ganglions crâniens, pressés entre les mandibules, mais sans mortelles contusions, peu à peu reprennent activité et mettent fin à la torpeur générale. Reconnaissons-le, c’est effrayant de science !
La fortune a ses caprices entomologiques : vous courez après elle, et vous ne la rencontrez pas ; vous l’oubliez, et voici qu’elle frappe à votre porte. Pour voir le Sphex languedocien sacrifier ses Éphippigères, que de courses inutiles, que de préoccupations sans résultat ! Vingt années s’écoulent, ces pages sont déjà entre les mains de l’imprimeur, lorsque dans les premiers jours de ce mois (8 août 1878), mon fils Émile entre précipitamment dans mon cabinet de travail. – « Vite,