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Le Sphex trouve que sa pièce de gibier résiste trop, s’accrochant de ci et de là aux brins d’herbe. Il s’arrête alors pour pratiquer sur elle la singulière opération suivante, sorte de coup de grâce. L’hyménoptère, toujours à califourchon sur la proie, fait largement bâiller l’articulation du cou, à la partie supérieure, à la nuque. Puis il saisit le cou avec les mandibules et fouille aussi avant que possible sous le crâne, mais sans blessures extérieures aucune, pour saisir, mâcher et remâcher les ganglions cervicaux. Cette opération faite, la victime est totalement immobile, incapable de la moindre résistance, tandis qu’auparavant les pattes, quoique dépourvues des mouvements d’ensemble nécessaires à la marche, résistaient vigoureusement à la traction.

Voilà le fait dans toute son éloquence. De la pointe des mandibules, l’insecte, tout en respectant la fine et souple membrane de la nuque, va fouiller dans le crâne et mâcher le cerveau. Il n’y a pas effusion de sang, il n’y a pas de blessure, mais simple compression extérieure. Il est bien entendu que j’ai gardé pour moi, afin de constater à loisir les suites de l’opération, l’éphippigère immobilisée sous mes yeux ; il est bien entendu aussi que je me suis empressé de répéter à mon tour, sur des éphippigères vivantes, ce que venait de m’apprendre le Sphex. Je mets ici en parallèle mes résultats et ceux de l’Hyménoptère.

Deux éphippigères, auxquelles je serre et comprime les ganglions cervicaux avec des pinces, tombent rapidement dans un état comparable à celui des victimes du Sphex. Seulement, elles font grincer leurs cymbales si je les irrite avec la pointe d’une aiguille, et puis les pattes ont quelques mouvements sans ordre et paresseux. Cette différence provient, sans doute, de ce que mes opérées ne sont pas préalablement atteintes dans leurs ganglions thoraciques comme le sont les éphippigères