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secte attaqué le premier, à cause de sa position hors des atteintes de la victime, elle aurait à redouter le voisinage des autres, qui, étendant au hasard les jambes, pourraient l’atteindre et l’éventrer sous leurs éperons. Tel est peut-être le motif pour lequel le Sphex à ailes jaunes, qui entasse dans une même cellule trois ou quatre Grillons, abolit presque à fond les mouvements de ses victimes ; tandis que le Sphex languedocien, approvisionnant chaque terrier d’une pièce unique, laisse à ses Éphippigères la majeure partie de leurs mouvements, et se borne à les mettre dans l’impossibilité de se déplacer et de se tenir sur les jambes. Ce dernier, sans que je puisse l’affirmer, ferait ainsi économie de coups de dague.

Si l’Éphippigère seulement à demi paralysée est sans danger pour la larve, établie en un point du corps où la défense est impossible, il n’en est pas de même du Sphex, qui doit la charrier au logis. D’abord avec les crochets de ses tarses, dont l’usage lui est à peu près conservé, la proie traînée harponne les brins d’herbe rencontrés en chemin, ce qui produit dans le charroi des résistances difficiles à surmonter. Le Sphex, accablé déjà par le poids de la charge, est exposé à s’épuiser en efforts dans les endroits herbus pour faire lâcher prise à l’insecte désespérément accroché. Mais c’est le moindre des inconvénients. L’Éphippigère conserve le complet usage des mandibules, qui happent et mordent avec l’habituelle vigueur. Or ces terribles tenailles ont précisément devant elles le corps fluet du ravisseur, lorsque celui-ci est dans sa posture de voiturier. Les antennes, en effet, sont saisies non loin de leur base, de manière que la bouche de la victime, renversée sur le dos, est en face soit du thorax, soit de l’abdomen du Sphex. Celui-ci, hautement relevé sur ses longues jambes, veille, j’en ai la conviction, à ne pas être saisi par les mandibules qui bâillent au-dessous