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tion en provençal, pécaïré, venu du fond du cœur, m’eut bientôt fait oublier inoucènt.

C’est précisément dans ce même ravin aux trois vendangeuses que je convie le lecteur, s’il n’est pas rebuté par les petites misères dont je viens de lui donner un avant-goût. Le Sphex languedocien hante ces parages, non en tribus se donnant rendez-vous aux mêmes points lorsque vient le travail de la nidification, mais par individus solitaires, très clair-semés, s’établissant où les conduisent les hasards de leurs vagabondes pérégrinations. Autant son congénère, le Sphex à ailes jaunes, recherche la société des siens et l’animation d’un chantier de travailleurs, autant lui préfère l’isolement, le calme de la solitude. Plus grave en sa démarche, plus compassé d’allures, de taille plus avantageuse et de costume plus sombre aussi, il vit toujours à l’écart, insoucieux de ce que font les autres, dédaigneux de la compagnie, vrai misanthrope parmi les sphégiens. Le premier est sociable, le second ne l’est pas : différence profonde qui suffirait à elle seule pour les caractériser.

C’est dire qu’avec le Sphex languedocien les difficultés d’observation augmentent. Avec lui, point d’expérience longuement méditée, point de tentative à renouveler dans la même séance sur un second, sur un troisième sujet, indéfiniment, lorsque les premiers essais n’ont pas abouti. Si vous préparez à l’avance un matériel d’observation, si vous tenez en réserve, par exemple, une pièce de gibier que vous vous proposez de substituer à celle du Sphex, il est à craindre, il est presque sûr que le chasseur ne se présentera pas ; et lorsqu’enfin il s’offre à vous, votre matériel est hors d’usage, tout doit être improvisé à la hâte, à l’instant même, conditions qu’il ne m’a pas été toujours donné de réaliser comme je l’aurais voulu.

Ayons confiance : l’emplacement est bon. À bien des