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par Darwin. Une Guêpe (Vespa vulgaris) saisit une grosse Mouche (Eristalis tenax) ; à coups de mandibules, elle tranche la tête, les ailes, l’abdomen, les pattes de la victime, et ne conserve que le thorax, qu’elle emporte au vol. Mais ici, pas le moindre souffle d’air à invoquer pour expliquer le motif du dépècement ; d’ailleurs la chose se passe dans un abri parfait, dans l’épaisseur du gazon. Le ravisseur rejette de sa proie ce qu’il juge sans valeur pour ses larves ; et tout se réduit là.

Bref, une Guêpe est certainement le héros du récit de Darwin. Que devient alors ce calcul si rationnel de la bête qui, pour mieux lutter contre le vent, coupe à sa proie l’abdomen, la tête, les ailes et ne garde que le thorax ? Il devient un fait des plus simples, d’où ne découlent en rien les grosses conséquences que l’on veut en tirer ; le fait bien trivial d’une Guêpe qui, sur place, commence le dépècement de sa proie et ne garde que le tronçon jugé digne des larves. Loin d’y voir le moindre indice de raisonnement, je n’y trouve qu’un acte d’instinct, si élémentaire qu’il ne vaut vraiment pas la peine de s’y arrêter.

Rabaisser l’homme, exalter la bête pour établir un point de contact, puis un point de fusion, telle a été, telle est encore la marche générale dans les hautes théories en vogue de nos jours. Ah ! combien, dans ces sublimes théories, engouement maladif de l’époque, ne trouve-t-on pas, magistralement affirmées, de preuves qui, soumises aux lumières expérimentales, finiraient dérisoirement comme le Sphex du docte Érasme Darwin.


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