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les oisillons d’un nid. Pour élever les couvées de moineaux, joie du jeune âge, je ne m’y prenais pas autrement et ne réussissais pas mieux. Tout marcha donc à souhait tant que ne faiblit pas ma patience, bien mise à l’épreuve par une éducation si absorbante et si minutieuse.

À l’obscurité de l’énigme succède la pleine lumière du vrai au moyen de l’observation que voici, faite avec tout le loisir que réclame une rigoureuse précision. Dans les premiers jours d’octobre, deux grandes touffes d’aster en fleur devant la porte de mon cabinet de travail deviennent le rendez-vous d’une foule d’insectes, parmi lesquels dominent l’Abeille domestique et un Éristale (Eristalis tenax). Il s’en élève un doux murmure pareil à celui dont nous parle Virgile :


Sœpe levi somnum suadebit inire susurro.


Mais si le poète n’y trouve qu’une excitation aux charmes du sommeil, le naturaliste y voit sujet d’étude : tout ce petit peuple en liesse sur les dernières fleurs de l’année lui fournira peut-être quelque document inédit. Me voilà donc en observation devant les deux touffes aux innombrables corolles liliacées.

L’air est d’un calme parfait, le soleil violent, l’atmosphère lourde, signes d’un prochain orage, mais conditions éminemment favorables au travail des Hyménoptères, qui semblent prévoir les pluies du lendemain et redoublent d’activité pour mettre à profit l’heure présente. Les Abeilles butinent donc avec ardeur, les Éristales volent gauchement d’une fleur à l’autre. Par moments, au sein de la population paisible, se gonflant le jabot de liqueur nectarée, fait soudain irruption la Guêpe, insecte de rapine qu’attire ici la proie et non le miel.

Également ardentes au carnage, mais de force très-inégale, deux espèces se partagent l’exploitation du