Page:Fabre - Souvenirs entomologiques, première série, 1916.djvu/130

Cette page n’a pas encore été corrigée

des mouches, proie qu’exige l’Hyménoptère inconnu du naturaliste anglais. Le Sphex de Darwin serait-il donc un Crabronien ? Pas davantage, car pour ces chasseurs de Diptères, comme pour les chasseurs de tout autre gibier, il faut des proies qui se conservent fraîches, immobiles, mais à demi vivantes, pendant les quinze jours ou les trois semaines qu’exigent l’éclosion des œufs et le complet développement des larves. À tous ces petits ogres, il faut viande du jour, et non chair corrompue ou même faisandée. C’est là une règle à laquelle je ne connais pas d’exception. Le mot de Sphex ne peut donc être pris même avec sa vieille signification.

Au lieu d’un fait précis, vraiment digne de la science, c’est une énigme à déchiffrer. Continuons à sonder l’énigme. Divers Crabroniens, par leur taille, leur forme, leur livrée, mélange de noir et de jaune, ont avec les Guêpes une ressemblance assez grande pour tromper tout regard non expert dans les délicates distinctions de l’entomologie. Aux yeux de toute personne qui n’a pas fait sur pareil sujet des études spéciales, un Crabronien est une Guêpe. Ne pourrait-il se faire que l’observateur anglais, regardant les choses de haut et jugeant indigne d’un sévère examen le fait infime qui devait néanmoins corroborer ses transcendantes vues théoriques et faire accorder la raison à la bête, ait commis à son tour une erreur, mais inverse et bien excusable, en prenant une Guêpe pour un Crabronien ? Je l’affirmerais presque et voici mes raisons.

Les Guêpes, sinon toujours, du moins souvent, élèvent la famille avec une nourriture animale ; mais, au lieu d’amasser d’avance, dans chaque cellule, une provision de gibier, elles distribuent la nourriture aux larves, une à une et plusieurs fois par jour ; elles les servent de bouche à bouche, leur donnent la becquée, ainsi que le font le père et la mère pour les oisillons.