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Le Scarabée ne travaille pas toujours seul au charroi de la précieuse pilule : fréquemment, il s’adjoint un confrère ; ou pour mieux dire, c’est le confrère qui s’adjoint. Voici comment d’habitude se passe la chose. — Sa boule préparée, un bousier sort de la mêlée et quitte le chantier, poussant à reculons son butin. Un voisin, des derniers venus, et dont la besogne est à peine ébauchée, brusquement laisse là son travail et court à la boule roulante, prêter main forte à l’heureux propriétaire, qui paraît accepter bénévolement le secours. Désormais, les deux compagnons travaillent en associés. À qui mieux mieux, ils acheminent la pilule en lieu sûr. Y a-t-il eu pacte, en effet, sur le chantier, convention tacite de se partager le gâteau ? Pendant que l’un pétrissait et façonnait la boule, l’autre ouvrait-il de riches filons pour en extraire des matériaux de choix et les adjoindre aux provisions communes ? Je n’ai jamais surpris pareille collaboration ; j’ai toujours vu chaque bousier exclusivement occupé de ses propres affaires sur les lieux d’exploitation. Donc, pour le dernier venu, aucun droit acquis.

Serait-ce alors une association des deux sexes, un couple qui va se mettre en ménage ? Quelque temps, je l’ai cru. Les deux bousiers, l’un par devant, l’autre par derrière, poussant d’un même zèle la lourde pelote, me rappelaient certains couplets que moulinaient dans le temps les orgues de Barbarie. « Pour monter notre ménage, hélas ! comment ferons-nous. — Toi devant et moi derrière, nous pousserons le tonneau. » — De par le scalpel, il m’a fallu renoncer à cette idylle de famille. Chez les Scarabées, les deux sexes ne se distinguent l’un de l’autre par aucune différence extérieure. J’ai donc soumis à l’autopsie les deux bousiers occupés au charroi d’une même boule ; et très-souvent, ils se sont trouvés du même sexe.