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face dans l’oseraie et laisse l’étroit passage libre. Faire davantage n’était pas prudent. Leur dire : « Mes braves, ne passez pas là », c’eût été empirer le mal. Ils auraient cru à quelque traquenard dissimulé sous le sable ; et des questions se seraient produites auxquelles ne pouvaient se donner raison valable pour eux. Mon invitation d’ailleurs aurait fait de ces désœuvrés des témoins, compagnie fort embarrassante en de telles études. Je me lève donc sans rien dire, m’en remettant à ma bonne étoile. Hélas ! hélas ! la bonne étoile me trahit : la lourde semelle d’ordonnance vient juste appuyer sur le plafond du Sphex. Un frisson me passa dans le corps comme si j’eusse reçu moi-même l’empreinte de la chaussure ferrée.

Les conscrits passés, il fut procédé au sauvetage du contenu du terrier en ruines. Le Sphex s’y trouvait, éclopé par la pression ; et avec lui, non seulement l’acridien que j’avais vu introduire, mais encore deux autres ; en tout trois criquets au lieu des grillons habituels. Pour quels motifs ce changement étrange ? Le voisinage du terrier manquait-il donc de grillons, et l’hyménoptère en détresse se dédommagerait-il avec des acridiens : faute de grives se contentant de merles, ainsi que le dit le proverbe ? J’hésite à le croire, car ce voisinage n’avait rien qui put faire admettre l’absence du gibier favori. Un autre, plus heureux, dégagera du problème cette nouvelle inconnue. Toujours est-il que le Sphex à ailes jaunes, soit par nécessité impérieuse, soit pour des motifs qui m’échappent, remplace parfois sa proie de prédilection, le grillon, par une autre proie, l’acridien, sans ressemblance extérieure avec le premier, mais qui est encore, lui aussi, un orthoptère.

L’observateur d’après lequel Lepeletier de Saint-Fargeau dit un mot des mœurs du même Sphex a été témoin en Afrique, aux environs d’Oran, d’un semblable approvisionnement en criquets. Un Sphex à