sive toujours la même pour chacun d’eux, et qui d’ailleurs trouvent parmi les Orthoptères des groupes à formes les plus différentes. J’ai eu la bonne fortune néanmoins de recueillir un cas, un seul, de changement complet dans la nourriture de la larve, et je l’inscris d’autant plus volontiers dans les archives Sphégiennes, que de pareils faits, scrupuleusement observés, seront un jour des matériaux de fondation pour qui voudra édifier sur des bases solides la psychologie de l’instinct.
Voici le fait. La scène se passe sur une jetée au bord du Rhône. D’un côté le grand fleuve, aux eaux mugissantes ; de l’autre un épais fourré d’osiers, de saules, de roseaux ; entre les deux, un étroit sentier, matelassé de sable fin. Un Sphex à ailes jaunes se présente, sautillant, traînant sa proie. Qu’aperçois-je ? la proie n’est pas un Grillon, mais un vulgaire acridien, un Criquet ! Et cependant l’hyménoptère est bien le Sphex qui m’est si familier, le Sphex à ailes jaunes, le passionné chasseur de Grillons. À peine puis-je en croire le témoignage de mes yeux. — Le terrier n’est pas loin : l’insecte y pénètre et emmagasine son butin. Je m’assieds, décidé à attendre une nouvelle expédition, des heures s’il le faut, pour voir si l’extraordinaire capture se renouvellera. Dans ma position assise, j’occupe toute la largeur du sentier. Deux naïfs conscrits surviennent, récemment tondus, avec cette incomparable tournure d’automates que donnent les premiers jours de caserne. Ils devisent entre eux, parlant sans doute du pays et de la payse ; et tous les deux innocemment, ratissent du couteau une badine de saule. Une appréhension me saisit. Ah ! ce n’est pas facile que d’expérimenter sur la voie publique, où, lorsque se présente enfin le fait épié depuis des années, l’arrivée d’un passant vient troubler, mettre à néant, des chances qui ne se présenteront peut-être plus ! Je me lève, anxieux, pour faire place aux conscrits ; je m’ef-