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réservoir commun ou ampoule en forme de poire.

De cette ampoule part un canal délié qui plonge dans l’axe du stylet, et amène à son extrémité la gouttelette empoisonnée. Le stylet n’a que des dimensions très-exiguës, auxquelles on ne s’attendrait pas d’après la taille du Sphex, et surtout d’après les effets que sa piqûre produit sur les Grillons. La pointe est parfaitement lisse, tout à fait dépourvue de ces dentelures dirigées en arrière qu’on trouve dans l’aiguillon de l’Abeille domestique. La raison en est évidente. L’Abeille ne se sert de son aiguillon que pour venger une injure, même aux dépens de sa vie, les dentelures du dard s’opposant à son issue de la plaie et amenant ainsi des ruptures mortelles dans les viscères de l’extrémité de l’abdomen. Qu’aurait fait le Sphex d’une arme qui lui aurait été fatale à sa première expédition ? En supposant même qu’avec des dentelures, le dard puisse se retirer, je doute qu’aucun hyménoptère, se servant avant tout de son arme pour blesser le gibier destiné à ses larves, soit pourvu d’un aiguillon dentelé. Pour lui, le dard n’est pas une arme de luxe, qu’on dégaine pour la satisfaction de la vengeance, plaisir des Dieux, dit-on, mais plaisir bien coûteux, puisque la vindicative Abeille le paie quelquefois de sa vie ; c’est un instrument de travail, un outil, duquel dépend l’avenir des larves. Il doit donc être d’un emploi facile dans la lutte avec la proie saisie ; il doit plonger dans les chairs et en sortir sans hésitation aucune, condition bien mieux remplie avec une lame unie qu’avec une lame barbelée.

J’ai voulu m’assurer à mes dépens si la piqûre du Sphex est bien douloureuse, elle qui terrasse avec une effrayante rapidité de robustes victimes. Eh bien ! je le confesse avec une haute admiration, cette piqûre est insignifiante et ne peut nullement se comparer, pour l’intensité de la douleur, aux piqûres des Abeilles et