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ma méthode pour assister à l’opération chirurgicale qu’un hyménoptère chasseur fait subir à sa proie dans le but de servir à ses larves une chair inerte mais non morte. J’enlève au prédateur son gibier et lui donne en échange une proie vivante, pareille à la sienne. Je combinais semblable manœuvre à l’égard de l’Ammophile pour lui faire répéter son opération quand elle aurait sacrifié la chenille qu’elle ne devait pas manquer de trouver d’un moment à l’autre. J’avais donc besoin au plus tôt de quelques vers gris.

Favier était là, jardinant. Je l’appelle : arrivez vite, il me faut des vers gris. La chose est expliquée. D’ailleurs il est depuis quelque temps au courant de l’affaire. Je lui ai parlé de mes petites bêtes et des chenilles qu’elles chassent ; il sait en gros la manière de vivre de l’insecte qui m’occupe. C’est compris. Le voilà en recherches. Il fouille au pied des laitues, il gratte dans les touffes de fraisiers, il visite les bordures d’iris. Sa perspicacité, son adresse me sont connues ; j’ai confiance. Cependant le temps se passe. « Eh bien ! Favier, ce ver gris ? — Je n’en trouve pas, monsieur. — Diable ! Alors, à la rescousse, Claire, Aglaé, les autres, tant que vous êtes, arrivez, cherchez, trouvez ! » Toute la maisonnée est mise en réquisition. On déploie une activité digne des graves événements qui se préparent. Moi-même, retenu à mon poste pour ne pas perdre de vue l’Ammophile, je suis d’un œil le chasseur et de l’autre je m’enquiers du ver gris. Rien n’y fait : trois heures se passent et aucun de nous n’a trouvé la chenille.

L’Ammophile ne la trouve pas davantage. Je la vois chercher avec quelque persévérance en des points un