Mais le genre de nourriture n’est pas le même pour tous les animaux. Il faut aux uns la proie, la chair crue, aux autres le fourrage ; à ceux-ci des racines, à ceux-là des graines, des fruits. Dans tous les cas, les dents sont les outils mis en œuvre pour le travail du manger ; elles doivent donc avoir une forme appropriée au genre de nourriture, plus coriace ou plus tendre, plus difficile ou plus facile à mâcher. Aussi, de même que d’après l’outil on juge du genre de travail d’un artisan, d’après la conformation des dents on peut en général dire le genre de nourriture d’un animal.
On appelle herbivores les animaux qui se nourrissent d’herbe, de fourrage, de foin ; et carnivores ceux qui se nourrissent de chair. Le cheval, l’âne, le bœuf, le mouton, sont des herbivores ; le chien, le chat, le loup, sont des carnivores. La nourriture de l’herbivore est chose tenace, dure, filamenteuse, que l’animal doit longtemps broyer pour la diviser convenablement et la réduire en une bouchée pâteuse, apte à être avalée et plus tard digérée sans obstacle. Dans ce cas, les dents opposées des deux mâchoires doivent se présenter l’une à l’autre des surfaces larges et à peu près plates, qui triturent la nourriture à la manière des meules d’un moulin. Au contraire, la chair dont se nourrit le carnivore est matière molle, qu’il est facile d’avaler et de digérer. Il suffit à l’animal de la déchirer, de la couper par lambeaux. Les dents du carnivore doivent donc se présenter l’une à l’autre des arêtes tranchantes qui manœuvrent à la façon des lames de ciseaux.
J’en ai, je crois, assez dit. Maintenant, qui de vous trois me dira à quel genre de nourriture se rapportent les dents que je vous montre ?
Et l’oncle Paul mit sous les yeux de son auditoire les deux dents figurées ci-après.
Émile. — La première dent est aplatie et très large en dessus ; elle doit écraser et broyer en frottant contre la dent pareille et opposée de l’autre mâchoire. C’est alors la dent d’un animal qui se nourrit de fourrage.
Paul. — C’est, en effet, la dent d’un herbivore, d’un cheval.
Émile. — La seconde est faite de plusieurs larges pointes dont les bords sont presque aussi tranchants que la lame d’un couteau. Elle doit être destinée à découper de la chair.
Paul. — Je le crois bien, c’est la dent d’un loup. Émile a